Du côté de l’ENIE, de nombreux cadres restent sceptiques quant à la réalisation de ce partenariat. Le ministre de l’Energie est chargé d’instruire la direction générale de Sonelgaz de reprendre les discussions avec l’ENIE en vue d’arrêter, de concert, un programme de travail.
La production de panneaux photovoltaïques nécessaires au développement des énergies renouvelables en Algérie, notamment dans le solaire, pose décidément problème. L’Entreprise nationale des industries électroniques (ENIE), qui s’est lancée dans l’expérience du photovoltaïque dans les années 1980, puis en 2000 avec la création d’ENIE Solar, était, jusqu’à tout récemment, la mieux indiquée pour abriter une unité de fabrication de panneaux solaires devant satisfaire les besoins du marché national.
D’où l’idée d’un partenariat entre la Sonelgaz et l’ENIE, intégrant les capacités locales dans ce domaine et devant assurer la reconversion du plan grand complexe électronique du pays dans la fabrication de panneaux solaires. Des discussions ont été engagées en ce sens, fin 2009, par les responsables des deux sociétés, sans pour autant aboutir à la mise en place des conditions nécessaires à sa concrétisation.
Du côté de l’ENIE, de nombreux cadres restent sceptiques quant à la réalisation de ce partenariat. La correspondance adressée par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, au ministre de l’Industrie, le 28 décembre 2009, donne un aperçu des difficultés auxquelles se heurte ce projet.
Dans cette lettre, dont nous avons pu prendre connaissance, le ministre de l’Industrie de l’époque précise que Sonelgaz a organisé un brainstorming des capacités nationales en matière de production de panneaux photovoltaïques en partenariat avec le Centre de développement des énergies renouvelables et l’unité de développement des techniques de silicium. Selon lui, «l’ENIE, conviée à ces travaux, n’a pas cru devoir s’y joindre». Une visite effectuée par des experts de Sonelgaz aux ateliers ENIE à Sidi Bel Abbès, poursuit-il, a conclu que «les équipements en place, datant des années 1970, sont obsolètes et ne répondent pas aux normes. Aussi, l’ENIE n’a manifesté aucun intérêt pour les options engagées par Sonelgaz».
Dans cette même lettre, le ministre de l’Industrie estime que l’option prise par l’ENIE pour un partenariat avec les Espagnols dans le domaine du photovoltaïque est «à l’évidence à l’avantage de l’entreprise espagnole et ne s’inscrit ni dans le cadre des capacités nationales existantes ni dans la stratégie engagée par le groupe Sonelgaz pour construire une usine à Rouïba, avec le concours des centres nationaux pertinents, dont le premier panneau est attendu en 2010, la production envisagée étant de 50 mégawatts/an».
Un CPE en faveur de l’ENIE remis en cause
Selon le ministre de l’Industrie, «l’ENIE entend maintenir l’approche énoncée dans le protocole d’accord avec l’entreprise espagnole Isofoton, prévoyant sur 6 années, outre l’acquisition d’équipements et matériels, pour un montant de 20 à 30 millions de dollars, une démarche en trois phases». A l’évidence, le protocole d’accord signé, en 2008, entre l’ENIE et l’entreprise espagnole Isofoton n’a pas eu les faveurs du ministre de l’Industrie.
«Je tiens à ce que la reconversion de l’ENIE dans la production de panneaux s’insère dans une stratégie nationale intégrant les capacités locales dans ce domaine et garantissant un débouché à travers le marché national de l’électricité. Par conséquent, l’Etat ne saurait admettre d’engager des fonds publics dans une opération industrielle solitaire au niveau de l’ENIE autant que celle-ci reviendrait à écouler d’abord une production étrangère», selon le contenu de la lettre. C’est à la lumière de ces éléments évoqués ci-dessus que le Premier ministre a instruit le ministre des Finances d’ordonner à la direction générale du Trésor ainsi qu’aux responsables de la banque publique concernée (BEA, en l’occurrence), «de surseoir immédiatement à la mise en œuvre de toutes les mesures arrêtées par le CPE pour l’assainissement et la modernisation de l’ENIE».
L’industrie du photovoltaïque, en gestation, aurait-elle déjà fait une première victime, à savoir l’ENIE ? Pas si sûr ! Ahmed Ouyahia laisse la porte entrouverte en avançant une option plutôt à l’avantage de Sonelgaz. Puisqu’il demande au ministre de l’Industrie d’inviter les dirigeants de l’ENIE à engager des discussions avec Sonelgaz «afin de dégager les voies et moyens de leur contribution au développement de l’industrie photovoltaïque envisagée à Rouïba». Le ministre de l’Energie est chargé, quant à lui, d’instruire la direction générale de Sonelgaz de reprendre les discussions avec l’ENIE en vue d’arrêter, de concert, un programme de travail intégrant les capacités industrielles de Sidi Bel Abbès dans la production de panneaux photovoltaïques, «aux conditions de modernisation requises et d’intégration nationale possible». Selon des responsables de l’ENIE, le Premier ministre avait, concernant ce dossier, exigé la présentation d’un dossier complet devant le Conseil de participation de l’Etat, au plus tard à la fin du mois de février 2010. Huit mois après, personne parmi les cadres ne sait où en est le projet.