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La prison abusivement privilégiée aux soins

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Samedi, mars 21, 2015, 9:00
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El Watan : La prison abusivement privilégiée aux soinsLa toxicomanie est un fléau qui ne cesse de se développer et de mettre en danger, chaque jour, la santé et la vie de centaines de milliers de jeunes Algériens.
Ces dernières années, le mal a pris d’autres proportions, plus dangereuses. Malheureusement, les solutions préconisées pour venir à bout de ce danger qui guette et menace les citoyens sont loin d’être à la hauteur des attentes des familles confrontées à cette pénible et douloureuse situation qu’elles affrontent individuellement.

D’ailleurs, celles-ci ne cachent plus leur déception devant les actions et politiques menées depuis des années pour endiguer le phénomène, dans un premier temps, et extirper leurs enfants des griffes de ce cancer. Ali, parent d’un toxicomane qui passe plus de temps en prison qu’en salle de soins ou dans un cabinet médical, crie sa colère : «Nous sommes au bord du désespoir. Chaque jour qui passe nous éloigne du sauvetage de nos enfants que la drogue ravage. Nous n’avons pas l’impression que les autorités s’impliquent réellement pour sauver nos enfants. Le moment est venu d’opter pour des solutions et pratiques audacieuses et réalistes à la hauteur des enjeux.

Ce n’est pas en enfermant les toxicomanes que se résoudra cet épineux problème pour les familles et la société toute entière. Il s’agit de privilégier, à notre sens, la prévention et la thérapie au détriment de l’incarcération qui prive l’individu d’un de ses droits essentiels, à savoir se soigner.» Ces dernières semaines, le sujet a fait l’actualité à travers des communications et sorties médiatiques de responsables chargés de ce dossier. Leur discours «est loin d’être convaincant et ne colle pas à la réalité», à en croire des proches des toxicomanes. «L’un des facteurs aggravants de la montée de la courbe de la toxicomanie est la non-application de la loi par des procureurs qui ne font pas de différence entre un toxicomane malade atteint de troubles mentaux et un délinquant. C’est un problème de santé publique», soutient un parent qui vit le martyre depuis que sa progéniture est tombée dans les filets de la drogue.

Les familles confrontées à ce problème revendiquent le changement dans l’approche de ce chapitre à travers l’option thérapeutique qui «doit être appliquée par rapport à celle de l’internement qui a montré ses limites», souligne un médecin qui s’occupe de cette catégorie de jeunes tombés de ce fléau et qui «veulent s’en sortir mais n’y parviennent pas, faute d’adéquation entre les textes et la réalité qui laisse peu d’espoir aux jeunes de s’extirper de ce cercle vicieux». L’avocat d’un jeune toxicomane, qui croupit en prison depuis des mois dans l’attente de son procès, tire la sonnette d’alarme : «L’injection thérapeutique est une mesure alternative aux poursuites pénales auxquelles recourent systématiquement les juges en violation de l’article 6 de la loi 04-18 qui mentionne ‘l’action publique n’est pas exercée à l’égard des personnes qui se sont conformées au traitement médical de désintoxication qui leur aura été prescrit’.»

La loi mise au placard

Cet article est clair et précis. Un toxicomane ne doit pas être privé de sa liberté à partir du moment où il est établi (rapport médical) qu’il se soigne. L’article 2 du décret exécutif 07-229 du 30 juillet 2007 fixant les modalités d’application de la loi 04-18 est explicite : «Lorsqu’il apparaît au procureur de la République qu’une personne ayant fait un usage illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes, s’est soumise, à compter de la date des faits qui lui sont reprochés, à la cure de désintoxication, ou à la surveillance médicale qui lui ont été prescrits, il décide le non-exercice de l’action publique, en vertu de l’article médical présenté par l’intéressé.»

Que d’individus soumis à la cure de désintoxication et à la surveillance médicale avant la date des faits sont arrêtés, internés et privés de leur traitement, malgré la présentation du rapport médical. Dans une lettre poignante parvenue à la rédaction, une maman d’un jeune toxicomane emprisonné écrit : «Des magistrats refusent d’appliquer la loi et de statuer sur les requêtes présentées par les toxicomanes sans que les autorités et instances de la justice réagissent.

Dois-je rappeler, mentionne-t-elle, que le délit de justice est considéré comme une faute disciplinaire grave, réprimé par l’article 63 de la loi organique 04-11 du 6 novembre 2004 portant statut de la magistrature qui précise : ‘le magistrat ayant commis une faute disciplinaire grave encoure la révocation’ ?» Sur le même registre, le ministre de la Justice est impérativement tenu, lorsqu’il est informé de ce type de dépassement d’un juge qui ne se conforme pas à la loi, de prononcer sa suspension après enquête préliminaire.

Cette situation, vécue par de nombreux toxicomanes, est saisie par des familles pour interpeller le ministre de la Justice afin «qu’il agisse dans le sens de la loi pour libérer immédiatement les toxicomanes internés dans les prisons conformément à la loi. Il s’agit de graves atteintes aux droits de l’homme, une violation de l’éthique médicale, car ces malades internés sont privés de leurs traitements qui débouche automatiquement sur l’échec de la guérison dû à l’arrêt prématuré du traitement», clament parents et proches de toxicomanes internés et privés de soins. Ces familles attendent beaucoup du ministre de la Justice. Le frère d’un toxicomane, qui séjourne régulièrement en prison, crie sa colère : «Mon frère aurait pu s’en sortir si les juges lui avaient donné la possibilité de se soigner. Ils ont préféré le jeter en prison au lieu de lui permettre de bénéficier de soins.

A ce rythme, il faudra construire des milliers de prisons pour interner les toxicomanes alors que l’injonction thérapeutique, mesure judiciaire prévue par la loi 04-18, est si peu ou si mal appliquée. J’ai saisi cette opportunité pour dire au ministre de la Justice : ‘Vous ne pouvez pas mettre en prison des toxicomanes malades, protégés par la loi n’ayant commis aucun délit. Nous sommes en droit de vous placer devant vos responsabilités. Conformément à l’article 30 du code de procédure pénale, le ministre de la Justice peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale. La loi vous confère beaucoup de prérogatives’.»

Source : El Watan : Maroc

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