Le président Ben Ali n’a fait rien d’autre en rendant l’Algérie directement responsable
de l’«impasse» dans laquelle se trouve la région que de trahir la confiance placée
en lui par les autorités algériennes.
Les petites notes de l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique à Tunis consignant le point de vue «officieux» du président Ben Ali sur le Maghreb, publiées il y a trois jours in extenso par le site WikiLeaks, révèlent l’étendue de l’hypocrisie qui caractérise les relations intermaghrébines. Jusque-là, le site de Julian Assange ne nous apprend pas grand-chose de nouveau tant il est de notoriété publique que les leaders de la région ne s’apprécient pas beaucoup, mais qu’ils font très souvent semblant de montrer le contraire en public.
Par contre, tout le monde était loin de s’imaginer que ça pouvait aller aussi mal entre l’Algérie et la Tunisie. Dans ce contexte, les «fuites» du département d’Etat montrent avec une clarté troublante qu’au-delà de leurs discours enjôleurs sur la fraternité maghrébine, certains responsables n’ont aucune espèce de scrupule à se donner des coups de poignard dans le dos.
Et à ce jeu, il semble bien que le chef de l’Etat tunisien soit aujourd’hui devenu l’un des meilleurs. En effet, le président Ben Ali – qui s’était jusque-là retranché dans une position de neutralité plutôt confortable concernant la question du Sahara occidental – n’a fait rien d’autre en rendant l’Algérie directement responsable de l’«impasse» dans laquelle se trouve la région que de trahir la confiance placée en lui par les autorités algériennes.
Les confidences faites à l’Oncle Sam par notre «ami» Ben Ali auront-elles des conséquences sur les relations algéro-tunisiennes ? Même si la machine diplomatique algérienne a donné pour habitude de ne pas réagir à chaud, il est toutefois difficile d’imaginer que la sortie du président tunisien et son alignement clair sur les thèses marocaines laisseront indifférents à Alger. En tout cas, il n’y a pas à s’étonner de voir les Algériens reconsidérer durablement leur implication dans le processus d’intégration maghrébine et redéfinir leurs relations avec le voisin tunisien, surtout que l’évolution actuelle de la situation semble aller à l’encontre de leurs intérêts.
Les maladresses de Zine El Abidine Ben Ali sont d’autant plus graves dans la mesure où l’Algérie et la Tunisie sont considérées comme le noyau de l’UMA. Il est évident qu’une dégradation de leurs relations peut tout simplement conduire à un éclatement de l’Union maghrébine. Une union en réalité déjà moribonde et à laquelle personne ne semble tenir. C’est d’ailleurs dans le contexte des révélations de WikiLeaks que l’Algérie a décidé d’émettre des réserves concernant son adhésion à la Zone maghrébine de libre-échange.